Dès le départ, on s’était dit qu’un "village" africain ferait un chouette lieu de départ pour notre histoire. Et on s’est d’abord mis en faire un "bel endroit" avec chute d'eau, écrin de verdure, une vallée paradisiaque.
Puis, au moment d'agir ou plutôt de faire agir les villageois, d’avoir une vision plus précise de leurs activités, des questions d'ordre « éthique » (dirons-nous) ont pointé le bout de leur nez : il était hors de question de tomber dans le mythe du bon sauvage ou dans une quelconque représentation pathétique teintée de misérabilisme. D’entrée de jeu, il nous fallait placer le curseur avec précision et doigté. Et ce qui sauve dans ces moments-là c'est de laisser le héros le faire le job...
D'ordinaire les scènes d'ouverture de ce type laissent entrevoir le bon côté du personnage principal, ou bien elles légitiment son action par la méchanceté ou la médiocrité des gens qu'il traite mal. Ici, ce n'est pas le cas: Giuseppe n'est pas un anti-héros postmoderne issue de la production américaine mainstream, autrement appelé le "faux méchant", et encore moins le "good boy" de l'histoire. Reste que notre souhait était de nous appuyer sur son attitude, sur ses gestes et ses mots pour créer un contraste fort.
Giuseppe pénètre dans un village qui est encore en dehors - plus pour longtemps si on suit le plan de Marraine - du modernisme et du progrès (au sens occidental du terme), c'est donc son dédain, ses mauvaises manières, sa morgue et sa hargne, son incapacité à adopter une attitude sociable et être autrement que dans l'instant qui, par contraste, créent le village. Alors qu'il le traverse en adressant ses considérations racistes à Moïse sans même jeter un oeil sur ceux qui l’entourent, sans y prêter la moindre curiosité, les villageois de leur côté semblent dérangés et surpris dans leur quotidien, cherchant sans agressivité à suivre et à comprendre cette intrusion, à lui donner un sens.
L'action de la scène des planches 3 et 4 va ainsi de la découverte à la résolution d'une tension pour nous en apprendre plus sur le personnage principal et sur la situation globale de l'endroit. Toutefois, la surprise muette des villageois, leur présence dense et complexe à la fois, leur réaction univoque, tout cela repose sur les dessins de Massiré sur la force de ses premiers plans, de ses regards et de ses choix de couleurs.
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